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LA BELLE AU BOIS DORMANT.

retourner à la ville, où son père devait être en peine de lui. Le prince lui dit qu’en chassant il s’était perdu dans la forêt, et qu’il avait couché dans la hutte d’un charbonnier, qui lui avait fait manger du pain noir et du fromage. Le roi son père, qui était un bonhomme, le crut ; sa mère n’en fut pas bien persuadée, et voyant qu’il allait presque tous les jours à la chasse, et qu’il avait toujours une raison en main pour s’excuser, quand il avait couché deux ou trois nuits dehors, elle ne douta plus qu’il n’eut quelque amourette : car il vécut avec la princesse plus de deux ans, et en eut deux enfants, dont le premier, qui était une fille, fut nommé l’Aurore, et le second, un fils qu’on nomma le Jour, parce qu’il paraissait encore plus beau que sa sœur. La reine dit plusieurs fois à son fils, pour le faire expliquer, qu’il fallait se contenter dans la vie, mais il n’osa jamais se fier à elle de son secret : il la craignait, quoiqu’il l’aimât ; car elle était de race ogresse, et le roi ne l’avait épousée qu’à cause de ses grands biens. On disait même tout bas à la cour qu’elle avait les inclinations des ogres, et qu’en voyant passer des petits enfants, elle avait toutes les peines du monde à se retenir de se jeter sur eux : ainsi le prince ne voulut jamais rien dire. Mais quand le roi fut mort, ce qui arriva au bout de deux ans, et qu’il se vit le