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LE PETIT POUCET.

enfants ! Vous êtes bien las et vous avez bien faim : et toi, Pierrot, comme te voilà crotté ! viens que je te débarbouille.

Pierrot était son fils aîné, qu’elle aimait plus que tous les autres, parce qu’il était un peu rousseau et qu’elle était un peu rousse. Ils se mirent à table, et mangèrent d’un appétit qui faisait plaisir au père et à la mère, à qui ils racontaient la peur qu’ils avaient eue dans la forêt, en parlant presque tous ensemble. Ces bonnes gens étaient ravis de revoir leurs enfants avec eux, et cette joie dura tant que les dix écus durèrent ; mais lorsque l’argent fut dépensé, ils retombèrent dans leur premier chagrin, et résolurent de les perdre encore, et, pour ne pas manquer le coup, de les conduire bien plus loin que la première fois. Ils ne purent parler de cela si secrètement qu’ils ne fussent entendus par le Petit Poucet, qui fit son compte de sortir d’affaire comme il avait déjà fait : mais, quoiqu’il se fût levé de bon matin pour aller ramasser des petits cailloux, il ne put en venir à bout, car il trouva la porte de la maison fermée à double tour. Il ne savait que faire, lorsque la bûcheronne leur ayant donné à chacun un morceau de pain pour leur déjeuner, il songea qu’il pourrait se servir de son pain au lieu de cailloux, en le jetant par miettes le long des chemins où ils passeraient. Il le serra donc dans sa