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Contes des fées.

chés, et que le bûcheron était au coin du feu avec sa femme, il lui dit le cœur serré de douleur : Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants ; je ne saurais les voir mourir de faim devant mes yeux, et je suis résolu de les mener perdre demain au bois, ce qui sera bien aisé, car, tandis qu’ils s’amuseront à fagoter, nous n’avons qu’à nous enfuir sans qu’ils nous voient. — Ah ! s’écria la bûcheronne, pourras-tu bien toi-même mener perdre tes enfants ? Son mari avait beau lui représenter leur grande pauvreté, elle ne pouvait y consentir : elle était pauvre, mais elle était leur mère. Cependant, ayant considéré quelle douleur ce lui serait de les voir mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant. Le Petit Poucet ouït tout ce qu’ils dirent ; car, ayant entendu de son lit qu’ils parlaient d’affaires, il s’était levé tout doucement, et s’était glissé sous l’escabelle de son père pour les écouter sans être vu. Il alla se recoucher, et ne dormit point le reste de la nuit, songeant à ce qu’il avait à faire. Il se leva de bon matin, et alla au bord d’un ruisseau, où il remplit ses poches de petits cailloux blancs, et ensuite revint à la maison.

On partit, et le Petit Poucet ne découvrit rien de ce qu’il savait à ses frères. Ils allèrent dans une forêt fort épaisse, où à dix