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NÊNE.

Madeleine assourdissait son pas derrière l’infirmière silencieuse et elle murmurait :

— C’est la maison de la mort… Pauvre grand, comme je te voudrais hors d’ici !

Quand l’infirmière l’eut introduite dans la chambre du malade, elle se sentit défaillante. Lui, vivement, avait tiré le drap pour cacher son épaule mutilée et, dans son visage sans couleur, ses yeux s’efforçaient de sourire.

Elle l’embrassa et ils se regardèrent une minute en silence. Et puis, tout de même, pour ne pas laisser toute puissance à son émotion, elle se raidit et parla.

— Je te trouve bonne mine, malgré tout… Tu vas être bientôt guéri, Cuirassier…

Il répondit bien doucement :

— Ma sœur, appelle-moi Jean… J’ai porté depuis ma petite jeunesse un sobriquet d’orgueil parce que j’étais fort ; mais, maintenant, ma force est partie et ne reviendra jamais. Je ne me plains pas ; c’est ma faute.

— Eh non ! vois-tu, ce n’est pas ta faute… Ce qui doit arriver arrive… c’est longtemps à l’avance que les choses sont dites.

— Oui… tu es bonne, toi ; tu es la meilleure… Si tu étais ici, je guérirais plus vite.

De sa main gauche qui était devenue toute maigre et blanche, il avait pris une de ses mains à elle et il jouait avec ses doigts.

Un peu de sang vint à ses joues ; il eut l’air de chercher ses paroles pour quelque demande très osée.