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NÊNE.

Cuirassier n’eut pas d’hésitation : devant ce catholique il ne voulait pas en avoir le démenti.

— Allons donc ! fit-il dédaigneusement ; je ne suis plus un drôle… J’en boirais dix litres… comme ça, tenez !

Il s’étendit complètement sur le dos et, de haut, lentement, se vida la bouteille dans la bouche.

— Oui ! c’est passé… avez-vous vu ?

Boiseriot était debout ; on les appelait déjà à la vanneuse, ils reprirent leurs postes.

Autour d’eux le bruit avait recommencé. Les porte-paille ululaient avec des accents farouches. D’autres s’interpellaient d’une voix âpre. Le trieur d’épis et le leveur de balles, deux hommes d’âge, se disputaient : cela avait commencé à propos de religion et maintenant ils se reprochaient des choses anciennes. Ils s’injuraient avec violence et ils se seraient empoignés s’ils en avaient eu le temps. Sur la table à engrener, Cuirassier brassait les gerbes avec vivacité. L’ivresse commençait à lui brouiller les idées. Il avait jeté son chapeau ; le soleil lui tapait droit sur la tête et achevait de l’étourdir.

— Hap !

La vanneuse se tut, étranglée. Il venait de jeter deux gerbes à la fois, deux gerbes mal démêlées.

Des moqueries fusèrent. Les dresseurs de pailler crièrent :

— Hou ! Hou ! les engreneurs !

Cuirassier, occupé à dégager le batteur, se redressa en jurant, prêt à la querelle. Ce que voyant les