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NÊNE

prêchait toujours ; il s’était levé pour mieux se faire entendre et il jetait l’anathème à toute volée, au hasard, mêlant tout, parlant de l’alcool et du sang de Christ, de Babylone et des bouilleurs de cru.

La vieille lui rabattait les mains.

— Tais-toi ! Tu es plus fou que les autres, entends-tu ?

Mais rien ne l’arrêtait et Gédéon qui, d’abord, avait ri aux larmes en garçon qui se moquait de tout cela, Gédéon se fâchait et menaçait le prêcheur de lui fermer le bec d’un coup de poing : ne venait-il pas de le montrer du doigt, lui et aussi Tiennette, en parlant de la mauvaise tenue de la jeunesse !

Cependant, le mécanicien, voyant la tournure que prenaient les choses, était sorti précipitamment. Un coup de sifflet impérieux troua le vacarme.

Ils sortirent tous, subitement calmés et suivirent la machine au Gros Châtaignier.

Dans la petite aire des Daru, à l’abri des bâtiments, la chaleur devint vite intolérable. On ne sentait aucun souffle de vent ; la poussière très épaisse dormait sur les hommes ; Samuel qui recevait le grain derrière la vanneuse avait disparu, enveloppé dans un nuage roux.

Un des donneurs de gerbes, un grand garçon mince, avait fléchi ; il avait fallu l’emmener à l’ombre et les engreneurs au repos lui jetaient de l’eau sur la figure.

Le travail était devenu lent et silencieux ; seul cet enragé de porte-paille chantait encore.