— Oh ! moi !… à la table où tu viendras apporter la soupière.
— À la table des mange-viande, protestant du diable !
— Tiennette, au lendemain du Carnaval, je mangerais bien tes joues !
Il disait des plaisanteries simples et un peu joviales dont elle faisait semblant de se fâcher. Et il l’embrassait aisément quand elle était seule devant lui.
Les cinq autres n’étaient guère moins turbulents et ils s’attaquaient eux aussi à Tiennette, mais elle les rabrouait à grands cris et comme ils étaient tout jeunes, ils n’osaient pas avancer leurs mains noires.
D’ailleurs ils ne chômaient pas et une minute de flânerie leur valait cinq minutes de course.
Il n’y avait pas de temps à perdre. La vanneuse avait ses six mille gerbes à avaler dans la journée ; et bien qu’elle fût une grosse mangeuse, il ne fallait point s’arrêter si l’on voulait en finir avant la nuit.
Les engreneurs, debout sur les planchettes accrochées à ses flancs, lui poussaient la paille de loin, par gestes prudents. Parfois, ils lui jetaient des gerbes entières qu’elle happait avec un aboiement joyeux ; une seconde alors, elle faisait entendre au fond de sa longue gueule noire un râle de satisfaction inouïe ; et puis, tout de suite, elle recommençait à gronder, à jurer, à rugir.
Ils étaient six hommes pour la servir : deux qui coupaient les liens et préparaient les gerbes et