Page:Perochon - Nene.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
NÊNE.

un peu au hasard, comme cela, avec de l’eau, du beurre, du sel, sans goûter bien sûr ! La vieille se penchait sur les casseroles avec un air de sorcière jetant ensemble le gros sel et les malédictions.

Tiennette avait du temps de reste. La cuisine l’inquiétait beaucoup moins que les agaceries des gars. Ils étaient six porteurs de sacs, pas tous bien jolis, mais tous aussi jeunes qu’elle, six garçons de dix-huit ans qui, à la file, passaient dans le corridor et montaient au grenier. Gédéon, qui en était, se donnait de l’importance parce qu’il était le valet de l’endroit. Il indiquait aux autres la place où ils devaient vider leurs sacs et il venait dans la cuisine pour dire :

— Le Dattel rend, mais il y a des grains faillis.

— C’est bien fâcheux ! disait Madeleine, attentive à ce bruit du froment pleuvant là-haut dans le grenier et qui serait la richesse de la maison.

Quelquefois le garçon galopait dans l’escalier et, tout haletant :

— On n’en peut plus ! Tiennette ! Tiennette ! viens m’aider !

— Ch’ti gars ! disait la petite, si tu salis ma collerette, je te baillerai ma main sur les oreilles.

Mais, tout émoustillée, elle se tenait dans le corridor à son passage.

— Tiennette, verse-moi à boire… Tiennette, la cuisine sent le brûlé…

— C’est bien bon pour toi… À quelle table manges-tu, mauvais protestant ?