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Le père Corbier avait dit bien des fois à Gédéon, le jeune valet :

— N’agace pas Géant : il est de sang hargne et tu finiras par l’échauffer.

D’habitude, quand ce propos était tenu à table, il y avait, après, un long discours plein de regrets et d’embellissements.

Géant descendait d’une certaine Marjolée, vache que le vieux avait achetée vingt ans plus tôt, à une foire des Rois, par un vrai temps d’hiver comme on en voyait autrefois. Cette Marjolée était une Nantaise belle en dessus, belle en dessous, charpentée, beurrière… Et cherchez-en maintenant des vaches comme ça !

Elle avait eu Griselle, qui avait eu Farinière, qui avait eu Pomponne et Géant donc, le taureau gris à encolure noire.

Une rude famille de bêtes, sans pareilles pour le travail et encore assez promptes à l’engrais. Par malheur, elles péchaient par vivacité. Les vaches, cruelles à leurs compagnes d’étable, crevaient volontiers les haies, bondissaient par-dessus les barrières. Quant aux mâles, il fallait les adoucir très jeunes, sans quoi ils devenaient dangereux. On avait un peu tardé pour ce Géant parce qu’il était très beau.

— Géant vous tâtera les côtes ! disait le vieux.