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NÊNE.

s’étaient levés dans leur ignorance et leur ferveur.

Victorieux dans le premier élan, ils s’étaient ensuite heurtés à des hommes de leur taille. Des deux côtés, derrière de jeunes héros aux yeux de femmes ou derrière de vieux vétérans de granit, la lutte avait été désespérée.

Aux cris de la hulotte ou au chant de la Marseillaise toutes les villes et toutes les bourgades avaient été prises, reprises, saccagées, brûlées. On s’était battu dans tous les chemins creux, dans tous les champs de genêt, dans toutes les clairières. Pas une paroisse qui n’eût encore, à plus d’un siècle de distance, son « talus de la Bataille » sa « fosse des Bleus » ou son « Calvaire des Chouans ».

À la fin, les paysans avaient été écrasés. Et d’autres gouvernements étaient venus qui avaient apaisé les prêtres ; qui les avaient apaisés à ce point que beaucoup avaient admis le nouvel état des choses et prêté serment de fidélité.

Seuls, les plus âpres, les moins adroits avaient continué la guerre en leur cœur. Et leurs ouailles les avaient suivis dans leur isolement farouche, dans leur dédaigneuse ignorance des menaces et des excommunications.

Mais peu à peu les prêtres étaient morts et les ouailles s’étaient dispersées.

Maintenant, après 120 ans, on ne trouvait plus guère de ces réfractaires, de ces « dissidents » que dans le Bocage Vendéen. Ils y formaient quelques îlots, battus, effrités, mais point encore submergés par la haute marée catholique.