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Et les larges mains de Madeleine s’ouvrent toutes grandes sur le petit corps nu…

Mais l’enfant n’a pas jeté ses bras en avant comme naguère. Au contraire il se cabre et frappe.

— Je m’appelle pas Jojo ! Je suis grand !

— Mon Jésus !

— Je t’aime plus !… va-t’en ! tu es méchante ! et puis tu sens le fromage !

Un sanglot, profond comme un râle… Madeleine se sauve.

Au bout du jardin elle bute contre une barrière ; elle court : son paquet tombe, elle perd ses sabots… Elle court droit vers l’étang, vers un endroit où l’eau est profonde et noire ; elle court, elle court et flouc !…

Très vite, elle revint à la surface, la poitrine pleine d’eau. Un instant, autour de son visage mille petites vagues clapotèrent, mille petites voix moqueuses et cruelles chantèrent :

— Nêne… Nêne… Nêne…

Elle perdit connaissance et glissa tout au fond sur le lit de boue.

Quelques bulles montèrent encore, puis l’eau se calma tout à fait.

De beaux nuages semblables à des mérinos blancs voyageaient avec lenteur. Le soleil brillait très haut ; l’heure était éclatante et douce.


FIN


Vouillé (Deux-Sèvres), le 31 mai 1914.



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