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NÊNE.

étoffe pelucheuse et chaude, son chagrin lui revint à la gorge, très âcre… C’était cette camisole qui lui servait à envelopper les pieds froids du petit Jo, là-bas, chez ce Corbier qui n’avait plus besoin de servante ; et ce tablier à demi brûlé, c’était avec cela qu’elle s’était précipitée sur Lalie en un jour de malheur…

Elle était toute reprise par ses souvenirs.

Elle se revoyait arrivant chez ce veuf, si jeune et si désemparé. Elle l’avait aimé d’un amour mélancolique et doux, sans grand espoir… mais les enfants avaient pris bien vite la première place ; à cette heure et même depuis longtemps, ils occupaient seuls son cœur par droit d’amour.

Ils lui avaient donné tant de joie ! Ils lui avaient donné tant de peine !

Elle se rappelait les promenades du dimanche, les jeux devant l’étang… Et elle se rappelait les heures mauvaises, les veillées d’angoisse au chevet de Lalie. Ce dernier souvenir était en elle comme une atroce déchirure ; elle entendait toujours les gémissements de l’enfant.

— Nêne ! J’ai bobo ! Nêne ! Nêne !

Ah ! oui ! Comme ils avaient pris son cœur, lui avec ses menottes carrées, toujours sales, elle avec ses pauvres doigts brûlés de martyr !

Quinze jours étaient passés depuis qu’elle les avait quittés, depuis qu’elle avait dénoué les petits bras jetés autour de son cou dans l’abandon du sommeil. Elle se figurait leur émoi, le premier matin ; elle entendait leur cri :