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NÊNE.

Comme une folle elle prit sa course à travers champs du côté de Bellefontaine. Les sentiers ne se voyaient plus ; dans un grand clos elle s’égara, ne put trouver la barrière ; il y avait devant elle une grosse haie : elle se jeta entre deux touffes d’épines, appuya de tout son corps et roula de l’autre côté dans un fossé profond.

Le cœur lui manquait ; elle fut obligée de rester assise dans ce fossé. Un oiseau de nuit qui passait jeta son cri. D’un grand effort elle se releva ; ses mains montaient au-dessus de sa tête et se déchiraient. Au cri de l’oiseau de nuit une idée s’était éveillée en elle et, contre cette idée monstrueuse, elle se débattait avec épouvante.

— Non ! non !… pas à ce prix !… Je ne veux pas qu’ils soient orphelins !… Je ne l’ai jamais voulu !… Je suis maudite !

Elle courait en haletant.

— Je suis maudite si j’arrive trop tard !

Au-dessus des haies, elle apercevait une grande masse noire : c’était, bordant la route, la futaie de Bellefontaine. Encore trois champs à traverser… encore un… La voilà sous les grands arbres ; elle n’hésite pas, elle va comme en un rêve. Juste à la croisée des chemins il y a deux chênes dont les branches se mêlent ; elle y court et ses mains s’abattent sur les épaules d’un homme accroupi entre les troncs jumeaux.

— Jean, que fais-tu ici ?

L’homme se redresse, recule :

— Madeleine !