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tranquillement sans craindre d’être enlevé par son attelage.

Il s’était imaginé la terre trop sèche et il avait lié trois jougs pour un labour profond. Et voilà que cette façon se trouvait excellente. Il avait mis son régulateur au dernier tour et le soc mordait franchement, très bas. Le « talon » laissait dans la raize une traînée fraîche et les mottes, en bonne trempe, s’émiettaient d’elles-mêmes en croulant au soleil ; un léger hersage et la terre serait prête, fine comme cendre.

Les yeux du laboureur riaient parce que toute sa pensée était à son travail et que ce travail était à son gré.

Comme il arrivait à dix pas de la haie, une voix demanda :

— Ça va la besogne ?

— Joliment ! répondit-il.

— Riche temps ! fit l’autre.

— Une bénédiction !

Il dégagea sa charrue et arrêta les bœufs. Entre deux branches de noisetiers une grosse tête blonde, une tête de géant, parut.

— Bonjour Cuirassier ! dit le laboureur ; c’est toi… je n’avais pas reconnu ta parole.

— C’est moi… bonjour Corbier !… vous avez là un rude attelage et un bel outil !

— Je ne m’en plains pas ! dit le laboureur avec un peu d’orgueil.

Ils furent un moment silencieux et souriants devant la besogne faite ; et, un moment, leurs yeux