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NÊNE.

elle, elle s’approcha et dit tout bas avec grande douceur :

— Jean, parle-moi ? Tu as le cœur en tourment : dis-moi ta peine et je te consolerai… Si tu veux de l’argent, j’en ai beaucoup à la Caisse d’épargne ; j’irai t’en chercher.

Il lui avait pris une main et il y posait ses lèvres. Ses paroles vinrent, sourdes et comme fêlées.

— Ah oui ! Tiens ! pauvre sœur ! travaille, use tes doigts, use tes yeux… Je suis là, moi… Je prendrai ton argent pour le jeter au vent, et quand tu seras vieille, tu seras à la charité.

— Jean, ne parle pas de la sorte, tu me fais mal !

— Pauvre sœur ! veux-tu savoir où il passe, l’argent que tu me donnes ? Va à Chantepie et demande Violette, la tailleuse. Quand elle sera devant toi, regarde-la de la tête aux pieds ; regarde sa ceinture à boucle d’argent, regarde ses doigts et ses oreilles et son cou… À la main droite, elle a un anneau d’or avec des pierres brillantes : c’est moi qui l’ai acheté… À la main gauche, elle en a deux autres… et qui donc les lui a donnés ceux-là ? et qui lui a donné ses boucles d’oreilles et ses colliers !… Ce n’est pas sa mère et ce n’est pas moi !… Et je l’aime, pourtant ! Je l’aime !

— Mais tu es fou, mon pauvre !

— Je l’aime ! Je suis fou, en effet ! Ouvre les yeux, va ! regarde-moi bien !… Je suis la honte de la famille… un jour ou l’autre, je finirai comme une bête malfaisante.