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NÊNE.

Ce matin-là, Madeleine avait le cœur gros. La veille elle était allée à St-Ambroise et elle n’en avait rapporté aux enfants qu’une livre de miche ; or, ils tenaient maintenant en dédain cette friandise dont ils se contentaient autrefois.

Lalie surtout avait montré de l’humeur, car elle avait recommandé à Madeleine de lui acheter une poupée, une grande poupée que l’on voyait derrière une vitre chez Blancheviraine, la marchande du bourg. Et elle avait piqué juste où il fallait, disant :

— Germaine de l’Ouchette en a trois poupées, elle ! Sa mère lui achète toutes les poupées qu’elle veut… Moi, je n’en ai pas seulement une, puisque Zine a la tête cassée.

Madeleine avait le cœur bien gros et bien lourd. Et, pourtant, elle avait agi selon la raison. Il lui restait juste cinq francs, et la poupée — qu’elle avait bien marchandée, pardi ! en valait trois. La prendre eût été folie, car la Toussaint était encore loin et avec quarante malheureux sous, que peut-on acheter ?

Mais cette Germaine, tout de même ! Trois poupées ! pourquoi pas dix ? Qu’est-ce qu’elle en faisait de ces trois poupées ? Sa mère les lui avait achetées pour qu’elle les fît voir, tout simplement !…

Madeleine se mettait en colère toute seule.