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NÊNE.

— Attendez… je crois la connaître… Une grande, avec un visage picoté… mais pas trop laide tout de même, n’est-ce pas ?

Elle le regardait en face, hardiment.

— N’est-ce pas ? Une fille de votre âge à peu près… et pas laide ?

Il répondit avec un peu d’humeur :

— Est-ce que je sais ?… Pourquoi ne m’écoutez-vous pas ?

— Parce que j’ai hâte… Je vous remercie bien et je vous dis au revoir… souhaitant vous rendre votre honnêteté.

Elle pirouetta et, lestement, la jupe haute, elle remonta la pente du pré et gagna la route.

Quand elle eut fait un petit bout de chemin elle s’arrêta une minute. Son panier était lourd ; elle le posa à terre et le découvrit ; il était si plein que des poissons glissèrent sur la route.

Un sourire insolent erra sur son visage qui demeura très beau mais dont les lignes changèrent. Les dents brillèrent fines, propres aux morsures saignantes en pleine chair vive, comme les dents des bêtes libres. La lèvre rouge, légèrement relevée, l’astuce cruelle, peut-être aussi un peu de mépris pour la proie trop facile.

— Ces hommes ! encore un que je mènerai où je voudrai. S’il ne vient pas dès demain, dans huit jours il ne manquera pas d’accourir. Il faudra que je m’arrange pour être seule.

Lui, près de l’étang, toute raison partie, l’avait