— Je ne sais pas si je reviendrai… Je n’ai jamais eu peur jusqu’à présent, j’ai vécu en joyeuse insouciance devant le danger… Mais je laisse aujourd’hui tout mon cœur au pays ; à cause de cela je suis inquiet, je suis triste… Il y aura encore des combats et il se donnera de grands coups…, plus d’un y laissera sa jeunesse !
Sa voix mourut dans un tremblement.
Alors Marie leva sa main et la posa doucement sur l’épaule de l’homme comme pour une caresse endormeuse.
— Il ne faut pas avoir ces idées-là, dit-elle ; songe à Éveline !
— J’y songe bien trop ! dit-il.
Il baissa la tête et elle ne vit plus ses yeux.
— J’ai de bons camarades à l’armée, reprit-il ; si je tombe, ils te l’écriront. Pour toi, voici ma prière : porte doucement la nouvelle à Éveline…, épargne-lui la douleur…
Elle le secoua un peu :
— Mais enfin, c’est mal parler, fiancé de malheur ! Va-t’en bien vite, si tu dois t’attendrir !
— Le destin est lourd à mes épaules ! Il me semble que je m’en vais pour toujours… Adieu, Marie !
La vieille fille leva vers le pauvre gars son visage bouleversé.
— Embrasse-moi, dit-elle.
Il l’embrassa et partit comme un fou.