Elle sentit qu’elle avait été très hardie et elle reprit :
— Tu n’es pas obligé de me le dire ; cela ne me regarde pas !
Il releva la tête et parla avec émotion.
— Cela te regarde au contraire et je veux te le dire. Je suis tout à fait content de te rencontrer ce matin. Si j’avais une sœur, c’est à elle que je parlerais…, mais je n’ai personne sur la terre… Tu es bonne, Marie ; tu dois comprendre la peine des autres… C’est à toi que je me confesse… Je viens de voir Éveline, ta cousine de la Marnière.
Elle se sentit froid au cœur ; mais elle dompta bien vite son trouble et prit un ton de gronderie :
— Ce n’est pas honnête, Maurice ! Et ma cousine est folle de t’accueillir à cette heure de nuit.
— Tu ne sais pas que son père m’a reçu comme on reçoit un chien fou, qu’il m’a défendu sa maison, et qu’il la tient enfermée, elle, comme une prisonnière !… Tu ne sais pas qu’il veut la marier contre son gré à un vieux grelottant !
Il continua à voix basse :
— Éveline et moi, nous nous aimons depuis notre jeunesse… J’ai été longtemps un gars au cœur changeant et j’ai un peu couru le pays… Elle m’a toujours attendu et moi je reviens à elle… Mais la guerre n’est pas finie et le mauvais destin est encore sur moi.
— Mais enfin, dit-elle, que comptez-vous faire ?
— Nous avons parlé longtemps… Éveline est trop bonne ; il faut tout décider à sa place ; seule, elle n’oserait pas… Voici : nous allons nous marier… nous allons nous marier dans un mois.
Marie remarqua :