Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
LA PARCELLE 32

m’en irai pour toujours ! Le temps est mesuré aux pauvres soldats comme moi ; il ne faut pas le gaspiller en vains manèges… Je suis à Fougeray pour peu d’heures et peut-être suis-je sur la terre pour peu de jours.

Elle supplia :

— Maurice, éloigne-toi ! J’ai peur ! nous nous reverrons ailleurs !

Mais lui :

— Non, Éveline ! Si tu m’aimes comme tu l’as dit si souvent, l’occasion est belle de le montrer ! Nous avons des choses importantes à nous dire et le temps presse… Je ne suis plus le gars écervelé d’avant la guerre. J’ai à te parler sérieusement… Si tu ne m’aimes pas, adieu ! Mais si tu m’aimes, suis-moi !

La sentant résister, il répéta :

— Le temps presse ! J’ai peu d’heures à passer ici… J’ai peu de jours à vivre, peut-être ! Là-bas, la mort est sur nous à tout moment.

Un élan de tendresse éperdue la rejeta sur sa poitrine. Alors, il dit simplement :

— Viens !

Il la souleva et la déposa près de lui, dans le jardin.

Elle eut encore une seconde d’hésitation, mais autour de sa taille le bras de Maurice était ferme et impérieux.

Ils s’en allèrent silencieusement, par l’allée assombrie, vers le grand pommier nuptial dont toutes les corolles avaient éclaté à la fois pour quelque fête fabuleuse d’amour et de folie.

Le lendemain, on put voir Maurice le permissionnaire sur le siège d’une faucheuse dans la