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LA PARCELLE 32

Là-bas, à l’affreuse bataille, afin de souffrir moins, il faisait effort pour tenir son cœur libre et insouciant. Mais ici, où l’on n’entendait plus les abois haineux de la mort, une étrange douceur coulait en ses veines.

Il avait plus d’une amie au pays ; à Quérelles, pendant sa dernière permission, il s’était laissé prendre aux manèges d’une grande brune insolente dont les amants se comptaient par douzaines, peut-être.

À mesure qu’il approchait, l’image d’Éveline chassait toutes les autres.

Éveline l’aimait ; il le sentait avec certitude. Et il se prenait à penser que, malgré tous les airs qu’il s’était donnés, c’était à elle, toujours, que son idée revenait, au bout du compte.

Il avait trois jours devant lui pour expliquer cela à Éveline. Mais qui l’empêchait, après tout, de passer toute sa permission à Fougeray ?

Assurément, il se marierait avec Éveline, une fois la guerre finie…, et même — bien que cela ne fût pas du tout raisonnable à ses yeux — il se marierait dès qu’elle voudrait, entre deux batailles s’il le fallait…

Comme il arrivait à une croisée de chemins, passèrent quatre filles de Fougeray qui s’en allaient à la promenade. Elles s’arrêtèrent, puis, d’une allure dansante, elles vinrent autour de lui. Il leur parla poliment et non point à sa manière ordinaire qui était fort osée, et ce fut lui qui les quitta.

Vraiment, il ne songeait plus aux belles de sa connaissance. Il ne songeait qu’à Eveline.

Il fut un peu déçu de ne pas la rencontrer au détour de Fougeray. Il hâta le pas vers la Marnière