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LA PARCELLE 32

et musard, coureur de plaines, une propre route blanche, tout ensoleillée, toute vide est une chose merveilleusement belle et douce.

Et marcher seul, dans le silence, marcher selon l’allégresse du sang comme un vigoureux animal libre, voilà un véritable plaisir de Dieu.

Maurice portait haut la tête ; la fumée de son cigare, s’enlevant en larges spirales bleues, lui enveloppait la figure de caresses discrètes et légères.

Il apercevait à l’horizon le clocher de Fougeray au milieu d’un bouquet de jeune verdure et il devinait les maisons basses, accroupies sous les noyers.

Il sourit à sa pensée. À Fougeray, bien qu’il fût un sans famille, il ne trouverait que des visages amis. Chaque porte s’ouvrirait devant lui et tous les vieux s’avanceraient pour lui faire accueil. Et puis, surtout, de belles filles le regarderaient avec des yeux énamourés pendant qu’il choquerait son verre contre celui des anciens.

À Fougeray, il y avait Éveline, la plus belle de toutes et la plus chérie à cause de son tendre visage et de son âme flexible.

Éveline, il la verrait la première. Sachant l’heure de sa venue elle devait être dans sa maison comme une oiselle prisonnière. Sans doute elle allait sortir ; il la rencontrerait sur la route, assise à l’ombre, au pied d’un arbre. Elle se lèverait à sa vue et se tiendrait devant lui, haute, mince, adorable ; son visage serait clair et sourirait comme étaient claires et comme souriaient toutes les choses, en ce pays tranquille, par cette jolie journée printanière.

Il comprenait maintenant qu’Éveline avait dû être un peu fâchée à cause de la rareté de ses lettres.