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LA PARCELLE 32

Il se disait que cette fille était un peu coquette comme les autres et que s’avancer, pour reculer ensuite, est le jeu de toutes les femmes, qu’elles soient sages ou qu’elles soient folles.

Un soir, dans le fournil, il voulut pousser sa chance. Devant une table chargée de corbeilles, Éveline saupoudrait de farine les pains à enfourner. Les braises, rougeoyant à l’entrée du four, faisaient danser des ombres sur la nuque blonde de la fille penchée.

Il s’approcha tout près d’elle.

— Éveline, dit-il, vous êtes, par force de sortilège, plus belle dans ce coin où je vous vois à peine que les autres ne sont belles sous le soleil printanier… Et vous damneriez un saint homme de Dieu !

Avant qu’elle eût pu répondre, il la prit en ses bras et lui mit un baiser sur le cou.

Elle se redressa vivement et il ne sut la retenir entre ses bras faibles.

Il recula en balbutiant :

— Je ne vous ai pas fâchée, Éveline ?

Elle répondit d’une voix entrecoupée :

— Vous m’avez fait peur. Et ce n’est pas bien !… Ce n’est pas bien. Honoré.

Puis elle sortit du fournil ; quand elle revint, il vit qu’elle avait pleuré. Il en eut dépit et ne put se tenir de le montrer.

— À vous voir, dit-il, on croirait que j’ai commis un grand crime ! Je ne sais pas quelle est votre pensée… Si vous me tenez en mépris, il faut me le dire, nom de nom !

Elle murmura :

— Vous savez bien que je ne vous méprise pas.