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LA PARCELLE 32

francs la boisselée de quinze ares avaient été tournés en dérision pour leur tête légère.

En ce printemps 1918, pour avoir une boisselée de mauvais coteau pierreux, le billet de mille ne suffisait plus.

Quand on apprit la mise en vente de la Millancherie, tout le village fut en émoi.

Des vieux qui savaient à peine lire se rendaient à la mairie et se faisaient montrer le cadastre.

Chaque matin, autour de la charrette du laitier, les femmes faisaient leurs discours. Elles se picotaient, doucettement d’abord et puis, allez ! allez ! donne-m’en, je t’en donnerai ! elles s’encoléraient et se mortifiaient à becs cruels.

À Quérelles, Boutin, l’expert, maniait son monde et faisait monter les offres. Mazureau lui fit trois visites. À la dernière, Honoré l’accompagna.

Mazureau ayant offert dix-huit mille francs, l’expert déclara froidement que ce n’était pas suffisant, une offre beaucoup plus importante ayant été faite le matin même. D’ailleurs lui, expert, ne connaissait pas exactement le dernier prix du vendeur ; il attendait des ordres.

Alors, Honoré :

— En tous les cas ne vendez pas sans nous prévenir. Nous voulons cette parcelle et nous ferons des sacrifices.

Mazureau approuva avec énergie et, devant Honoré, Boutin fit poliment révérence.

Ils s’en retournèrent joyeux.

Huit jours plus tard, Boutin faisait savoir que la vente était repoussée. Elle n’aurait lieu qu’à l’automne par enchères publiques.

Chacun, alors, comprit l’affaire. La Millancherie