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LA PARCELLE 32

demander, c’est son droit… Mais j’ai la liberté de me tenir loin de vous et de ne pas manger votre pain. Je prendrai mes repas chez moi ou bien dans la plaine, au pied d’un mur, comme un triste vagabond. Adieu, Éveline !

Il s’éloignait, il avait gagné la porte… Éveline tremblait, ses yeux étaient pleins de larmes.

Sans trop savoir ce qu’elle faisait, elle s’avança vers lui et leva les mains en un geste affolé de défense ou de prière :

— Non ! dit-elle ; ne dites pas cela à mon père ! Ne lui dites rien !… Ce n’est pas vrai que je vous ai repoussé.

Comme il la regardait, un peu étonné, elle ajouta avec une sorte de sourire d’atroce coquetterie :

— Et revenez, Honoré, si cela vous plaît. Revenez, j’en serai flattée.

Honoré n’avait pas trop compté se faire écouter du premier coup. L’attitude d’Eveline, ses premières paroles, ses larmes l’avaient décontenancé, mais cette invitation à revenir lui fut un baume et il s’en alla content.

Il traversa le village d’une allure gaillarde et, à la Commanderie, quand la servante lui fit reproche de sa longue absence, il lui cria à l’oreille :

— Je suis allé te chercher une jeune patronne !

— Quoi ?

— Une jeune patronne !

Et, comme la vieille ne comprenait pas, il éclata de rire.

Une jeune patronne ! Il installerait une jeune patronne en sa maison ! Ce n’était pas encore fait, à vrai dire, mais il y avait bon espoir.