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LA PARCELLE 32

— J’attendais de vous la grande joie de ma vie et vous ne me l’avez pas donnée. Je suis venu à vous comme un mendiant et vos yeux ne se sont pas abaissés vers moi.

Elle sourit faiblement, cherchant à tourner la chose en plaisanterie :

— Les mendiants comme vous ne me font pas pitié, dit-elle ; votre nom n’est pas inscrit avec ceux des indigents que la commune soutient.

— Ce n’est pas ce que je veux dire, Éveline, et vous le savez bien. Je vous ai priée pour votre amitié et je vous ai offert la mienne. J’ai parlé selon mon cœur, non en marchand. Il y a des filles, je le sais, qui écoutent le bruit des écus plus volontiers qu’un air de pastourelle. Vous n’êtes pas de celles-là, Éveline, et je n’ai pas mis devant vos yeux tout le bonheur que je pourrais vous donner à cause de ma fortune.

Elle ne put se tenir de protester.

— Vous l’avez fait cependant l’autre jour… À cette place, dimanche dernier, ce n’est pas un air de pastourelle que vous chantiez !

Il rougit un peu.

— Je parlais devant votre père qui est un homme d’expérience. Vous êtes jeune, Éveline, et vous n’avez pas d’inquiétude pour l’avenir… Je suis malheureusement un peu plus vieux… J’en ai connu qui se sont mariés sans un sou vaillant ; je ne dis pas qu’ils ont eu tort… mais, après, la misère est venue ; ils ont souffert et leurs enfants ont souffert avec eux… Peut-être ont-ils regretté… La jeunesse est courte et la misère dure parfois toute la vie.

Il continua plus bas :