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LA PARCELLE 32

Honoré souriait poliment ; mais il n’était pas homme à se laisser emmener par les petits chemins ; à parler seule, Éveline ne tint pas longtemps. Le silence retomba entre eux et leur fut pénible.

Éveline pensa s’échapper.

— Vous m’excuserez, dit-elle, si je vous laisse seul un petit moment. J’ai du linge étendu dans le jardin ; avec le vent qu’il fait, si je n’y veille, il s’envolera dans les nuages.

Mais Honoré se leva.

— Je ne resterai pas seul, car je n’ai plus rien à faire chez vous ce matin, Éveline. S’il venait quelqu’un, cela pourrait faire causer. Et malgré tous les vents de tous les diables, un chapeau de médisances ne s’envole pas dans les nuages comme une mousseline de votre coiffe. Je m’en retourne chez moi avec mes vieux qui sont grognons et sourds. Je m’en retourne sans joie, car vous ne m’avez pas répondu.

Elle le regarda. Il n’avait pas l’air vaillant !

Ses yeux sans audace étaient tristes et doux. Et vraiment, ce petit homme grêle avait l’air de souffrir ; il sembla à Éveline que ses mains tremblaient. Elle se sentit plus forte devant lui et risqua des paroles fraternelles :

— J’ai de l’estime pour vous. Honoré, dit-elle ; si je vous ai fait de la peine, c’est sans le vouloir.

Il répondit vivement :

— Je sais que vous êtes bonne, Éveline ; sans cela je ne vous aurais pas parlé comme j’ai fait. Mais j’attendais beaucoup de vous ; j’attendais la grande joie de ma vie.

Elle eut un mouvement d’humeur. Il s’approcha et prit une main de la jeune fille entre les siennes.