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LA PARCELLE 32

femme chez lui ; il le disait tout à l’heure, et c’est la vérité.

Il baissa la voix :

— J’ai compris qu’il le disait pour toi… J’ai idée, Éveline, que tu ne seras pas à plaindre un jour, moins à plaindre que ne le furent ta mère, ta grand’mère et toutes celles de la famille. S’il y en a un de mon nom après moi, tu pourras lui faire largesse et, te contentant d’argent, lui laisser ta part des Brûlons… Car tu auras des champs où te promener tout un dimanche sans repasser à la même place. Les gens te salueront, Éveline Mazureau !

Elle se releva et dit, d’une voix dolente :

— Oh ! père ! Je n’en demande pas tant !

Mazureau considéra un instant le visage pâle de son enfant, les yeux embués de larmes et la bouche fine aux coins abaissés. La colère le secoua.

— J’ai parlé pour toi, pour ton honneur et pour l’honneur de la famille. Et te voilà encore avec tes manigances et tes airs déchirés ! Je ne veux pas savoir ce qui te blesse ; je ne te demande rien et je ne veux rien entendre. Éveline, tu marcheras selon mon goût… Tu seras maîtresse à la Commanderie ou bien tu n’es pas de mon sang. Ôte-toi de ma vue !

Éveline passa dans sa chambre. Elle était, devant son père, comme une petite fille ; malgré ses vingt-cinq ans, elle n’eût jamais osé se redresser contre lui.

Et puis, vraiment, elle était trop accablée aujourd’hui ! Toute tremblante, elle s’approcha de sa commode. Le beau soldat était toujours là et la