Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
LA PARCELLE 32

Plusieurs filles de Fougeray s’étaient mariées quand même ; leurs promis n’avaient pas voulu attendre et ils étaient venus chercher, entre deux combats, quelques heures d’un bonheur anxieux et cruel. Cela faisait même, dans le village, trois veuves de plus…

Éveline, elle aussi, se serait mariée ; le père ne s’y fût probablement pas opposé ; il en avait dit un mot, un jour, à propos des allocations. Mais Maurice n’en parlait jamais d’une façon bien ferme.

Il disait : « Quand la guerre sera finie, nous nous marierons » ; ou bien, comme aujourd’hui : « Si nous nous marions, après la guerre… »

Assurément, ils se marieraient ; il fallait un homme chez les Mazureau pour remplacer le père. Oui, dès que la guerre serait finie, — à l’automne, disait l’almanach, — ils se marieraient vitement. Un nouveau bonheur les rassemblerait tous dans cette vieille maison, elle, Maurice, le père et aussi le neveu, ce petit gars si vaillant et si raisonnable.

Devant le cadre doré où souriait le beau soldat, Éveline, appuyée des deux coudes à la commode ancienne, Éveline, les mains aux joues et les yeux mi-clos, rêvait tout énamourée.

Elle fut un peu confuse quand le père rentra. Il était plus de midi et le couvert n’était pas mis. Cependant Mazureau ne gronda pas, comme il faisait assez souvent.

Ayant serré son argent, il s’assit à la table et Bernard prit place à côté de lui.

Éveline, remarquant les souliers boueux de l’enfant, était allée lui chercher des sabots.