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LA PARCELLE 32

mais elle n’avait pas le front bas de la famille, ni la lourde mâchoire.

De sa mère, morte toute jeune d’un mal de langueur, elle tenait ce fin visage allongé et surtout ces jolis yeux bleus, des yeux timides et dociles, faits pour la tendresse et les larmes.

Éveline souriait à sa claire image et sa pensée s’en allait en songerie.

Ce Maurice, assurément il l’aimait. Elle se recordait de minces souvenirs du temps où les jeunes hommes vivaient doucement sur la terre.

Il avait été valet chez elle ; c’était l’année où le frère était parti pour la ville. Il n’avait guère que dix-huit ans alors ; elle, tout juste seize.

Ils étaient timides l’un devant l’autre. Pourtant un soir, la veille de la Toussaint, comme ils se trouvaient face à face dans le fournil, il l’avait prise brusquement en ses bras et elle avait tendu sa joue à son gauche baiser d’adolescent.

Le lendemain, il était parti. Il avait été gagé un an chez l’oncle Sicot et puis ensuite, au loin, de l’autre côté de Quérelles.

Elle ne l’avait pas revu souvent, mais par exemple, elle avait entendu parler de lui par les filles de Quérelles ! Un célèbre, ce Maurice ! Grand buveur, grand joueur, grand coureur de bals… Il n’était plus guère timide ; il ne l’était plus du tout et si les filles l’écoutaient volontiers, les mères en parlaient assez mal.

Et puis la guerre avait éclaté. Blessé dès le début, il était venu achever sa guérison à Fougeray. Alors, tout de bon, l’amour était né au cœur d’Éveline.

Mais cette maudite guerre n’en finissait pas.