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LA PARCELLE 32

— S’il est bon aujourd’hui, il a failli être bien mauvais il n’y a pas longtemps… Voici, encore bien marqués, les pas de l’oncle Sicot.

Mazureau répondit avec gravité :

— Je lui pardonne le mal qu’il m’a fait…, moi-même, je n’ai pas toujours été juste à son égard.

Mazureau, la figure levée, regardait sa terre autour de lui.

— Je ne l’avais pas encore vue comme je la vois… Je ne l’avais pas vue depuis qu’elle est toute à moi… Elle est belle devant mes yeux !

Il tendit un peu la main et ses doigts jouèrent lentement comme pour caresser une forme imaginaire.

En son vieux cœur endurci, une extraordinaire émotion bourdonnait.

— Voici que ma récolte est faite ! Dites-moi, mes enfants, que j’ai bien engrangé ! Ma chair, maintenant, peut se détacher de mes os, car ma vie est remplie… Qu’il me soit pardonné si j’ai été dur aux faibles et si j’ai levé la main contre l’innocent ! Qu’il me soit pardonné si je n’ai pas toujours marché sur les bons chemins d’amour !… Je n’ai jamais voulu que l’honneur de la famille.

Il reprit avec un tremblement dans la voix :

— À cette heure, je voudrais tous les miens autour de moi… Il en manque trop pour ma joie. Le soleil vient sur mes yeux et beaucoup qui m’étaient chers ne le voient plus… S’ils pouvaient se lever de leur poussière et mettre leur main dans la mienne !… Je n’ai pas eu le temps de les aimer comme ils le méritaient ; ils sont partis trop tôt… Je les voudrais autour de moi… Éve-