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LA PARCELLE 32

Sicot, à propos des réquisitions de guerre, avait toujours parlé hautement contre les conseillers en place. Aux premières élections, tous ces tristes maladroits seraient à coup sûr remplacés… Il avait bien souvent rêvé qu’il prenait rang en séance, qu’il s’asseyait, en toilette et la pipe à la main, sur une chaise avancée respectueusement par le garde champêtre.

Sicot voulait entrer au Conseil : chacun savait cela à Fougeray.

Mais le bonhomme avait encore une ambition plus haute — et secrète celle-ci. Il visait la présidence du Conseil d’administration, à la beurrerie coopérative.

Son ami Dabin l’avait prévenu, lui seul, qu’il comptait se retirer après la guerre.

Or, s’il y avait douze conseillers municipaux à Fougeray et douze à Saint-Étienne, il n’y avait qu’un Président de beurrerie pour les deux endroits.

Et ce Président présidait véritablement, parlait, commandait. On le connaissait aux alentours ; son nom était sur les lèvres des gens, à la ville comme aux champs. Il entrait hardiment chez le chef de gare, marchandait avec le préfet et, de temps en temps, sa place était marquée à des banquets riches, servis aux frais de la grande association beurrière, tantôt dans une ville, tantôt dans une autre, à des banquets où l’on buvait dans plusieurs verres, où des avocats, des députés, des ministres même, chantaient les louanges des Présidents de beurrerie et où il pleuvait des rubans et des médailles d’honneur.

Cela, c’était grand !

Mais, jusqu’à ce jour, on n’avait jamais pris