Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand Bernard vint à la ferme et dit à sa tante :

« Viens à la maison, j’ai besoin de toi ! » personne ne sonna mot.

C’est que l’inquiétude régnait à la Baillargère !

Sa colère tombée, Sicot avait été pris de peur, d’une peur comique qui, pendant plus de huit jours, ne le lâcha point.

Il ne fumait plus, ne buvait plus son vin, ne se vantait plus. Il n’apparaissait ni au village ni dans la plaine et ne restait pas longtemps non plus dans sa maison. Il vivait dans son écurie, dans sa grange, passait de longues heures au fenil dont la lucarne donnait du côté de Quérelles…, du côté de la gendarmerie.

Les gendarmes venaient assez souvent à Fougeray. À leur approche, le bonhomme se cachait dans le foin ; et là, suant, à demi étouffé, il ne pensait plus à la parcelle des Brûlons ni à aucune autre ; il se voyait en prison pour le reste de ses jours ou bien galérien, par delà la mer, dans les pays sauvages.

Au bout d’une huitaine, la nouvelle vint que celui de la Marnière s’était laidement blessé en travaillant… Le mal devait être assez grave car le médecin avait été appelé ; cependant, on disait que Mazureau pensait être sur pied avant peu.

Sicot respira !

Comme c’était le jour de l’armistice, il se risqua à sortir dans le village, rôda même du côté de la Marnière et trinqua enfin plusieurs fois chez des amis, buvant à la honte des Boches.

Il rentra chez lui la mine prospère et l’on entendit sa voix.

Mais il ne chanta pas longtemps si haut ! les