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LA PARCELLE 32

personnel et constant, Vainqueur, le chien des Marcireau, donnait de la voix et bondissait furieusement.

Ce matin, à cause du froid, les femmes s’étaient dispersées aussitôt le laitier parti et la rue était déserte.

Seul, le vieux Bernou se tenait accoté à la muraille de son écurie, dans une petite encoignure. Lui aussi attendait le facteur. Depuis deux mois son fils ne donnait pas de nouvelles ; personne n’espérait plus parmi les siens, ni sa femme, ni sa bru, ni ses filles ; mais lui, à cause d’un permissionnaire qui avait conté des choses surprenantes, il attendait toujours. Chaque matin, quand le facteur arrivait vers lui, il s’avançait un peu. L’autre disait simplement :

— Rien !

Alors, le vieux reculait et rentrait dans sa maison.

Rien ! Éveline, de loin, entendait la dure syllabe et son cœur battait follement. À elle aussi, si elle restait là, le facteur dirait sans s’arrêter : Rien !

Il était pressé, cet homme ; il ne pouvait pas, chaque matin, dire à Éveline :

— Ma jolie fille, votre amoureux, le beau Maurice, ne vous a pas écrit encore cette fois ; mais ne soyez pas inquiète : ceux de son régiment n’écrivent pas en ce moment.

Il ne pouvait pas dire tout cela ; il avait trop de chemin à faire ; et puis il voyait tant de détresses que cela finissait par le laisser calme.

Non, il ne parlerait pas ; ou bien il dirait simplement : Rien ! Un petit mot rond et dur comme ces cailloux de Vendée que Lucas, le vieux casseur