bines retroussées comme un jeune carnassier. Aussitôt qu’il se sentit lâché, il se ramassa sur ses jarrets et bondit, la tête basse, sur Honoré qui était devant lui. Honoré tomba ; un autre gars fut chaviré d’un coup de genou dans le ventre. À cinq, ils le maîtrisèrent enfin, mais, comme il cherchait toujours à frapper et à mordre, ils durent l’enfermer dans le cellier.
À huit heures du soir, il n’y avait plus rien à faire à la Marnière. Honoré s’en alla avec les autres. Il sentait au creux de l’estomac une douleur sourde ; Bernard avait vraiment heurté fort ! Quel triste petit gars !
Honoré songeait à Éveline si douce, à Éveline au corps délicat et à l’âme fragile. Que deviendrait-elle si Mazureau ne revenait pas sur sa parole ? Et si, au contraire, il la rappelait, comment pourrait-elle vivre avec son enfant, entre ce rude vieillard et ce mauvais petit être acharné dont la volonté commençait à s’imposer à la Marnière.
Il se la représentait telle qu’elle serait sans doute dans quelques années : vieillie, fatiguée par les durs travaux, rudoyée, volée et incapable de se redresser et de rompre sa chaîne.
Et lui, que ferait-il ?… Que ferait-il en sa grande maison délabrée ?… Il amasserait sottement des écus pour quelque arrière-neveu. Ou bien il irait chercher…, chercher qui ? une jeune évaporée ou la cousine barbue ?
Il se surprenait à murmurer :
— Si elle était veuve, je l’épouserais bien quand même !…
Mais il n’osait pas pousser sa pensée plus avant.