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LA PARCELLE 32

a été nôtre autrefois ; c’est ton grand-oncle qui l’a vendu.

— Il faut le racheter.

— Mon petit gars, c’est le désir de ma vie. Le grand-père s’était approché de l’enfant et celui-ci, appuyé d’une main à son épaule, se dressait sur la pointe des pieds.

— Je voudrais être riche, dit Bernard, pour racheter les champs de chez nous qui ont été vendus. Je voudrais être très riche… J’achèterais tous les champs que tu vois, ceux de la Millancherie, ceux de Monte-à-peine, les champs aux voisins de Fougeray, les champs à ceux de Quérelles et aussi les fermes qui sont aux messieurs… J’achèterais toutes les terres.

Son bras se tendait et se repliait en un geste d’avare, comme pour appeler à lui les parcelles innombrables et pour les grouper jalousement autour du cimetière des Mazureau.

Et le grand-père, redressé lui aussi et tremblant d’émotion, ouvrait sur la plaine des yeux avides d’amoureux.

Le facteur passait habituellement à la Marnière peu de temps après le laitier de la Beurrerie Coopérative. Ce matin-là, dès que le laitier fut parti, Éveline Mazureau, au lieu de rapporter son seau vide à la maison, fila le long de la cour et alla se poster derrière le pailler, à un coin de mur.

Elle voyait de cet endroit toute la rue du village en enfilade. Souvent, maintenant, elle attendait là. Le facteur apparaissait brusquement au détour ; il faisait quatre ou cinq pas et levait son bâton en un geste de menace ; alors, son ennemi