haleine ; il bredouillait et ses chiffres avaient l’air de courir les uns après les autres sur des pattes courtes, comme des canetons dans un champ de mottes. Il arriva vite à la fin :
— Le Conseil d’administration propose de fixer le prix du lait à 82 centimes 5.
Et là-dessus, il s’arrêta, essoufflé.
Le président reprit d’une voix forte :
— Vous avez compris ? le lait ne sera qu’à seize sous et demi !
Cela jeta un froid. Le président dit encore :
— Qui demande la parole ?
— Je demande la parole, dit Menon.
— Va te coucher !
Alors Sicot leva son bras court.
— J’ai mon mot à dire !
— Sicot, t’as la parole, dit le président ; monte à la tribune.
Il y eut des protestations. Pourquoi Sicot plutôt que Manon ?… Sicot était l’homme du président ; la chose était bien connue. Mazureau se fit entendre.
— Dubin ! ce n’est pas la justice.
Le président devint cramoisi ; il ôta sa pipe qu’il venait d’allumer.
— Qui est-il celui qui réclame ?
— C’est mé, Amand Mazureau !
— C’est té ! C’est té !…
Appuyé des deux mains à la table, le président chercha un moment la réplique qui abattrait l’adversaire. Il la trouva enfin et la lança à pleine gorge, en brandissant sa pipe fumante.
— Ah ! c’est té ! Eh bien, qu’as-tu donc à dire, grand vendeux de puces ?