— Parce que si vous ne voulez pas l’acheter, mon argent qui est là, je puis le placer ailleurs… Et je puis aussi m’en aller à Nantes et vous laisser tout seul…
— Nous achèterons sans rien vendre, affirma Mazureau.
Bernard eut une parade de tête et continua d’un ton impatienté :
— Il faut que je m’occupe de tout… Si je n’étais pas ici, je ne sais pas ce que vous feriez.
La voix du grand-père mollit.
— Tu es mon seul appui, Bernard…, je le sais bien.
— Mais vous ne voulez jamais m’écouter, reprit le petit-fils. Je vous dis qu’il faut vendre, vendre et vendre ! Sans cela nous n’arriverons jamais : j’ai fait le compte assez souvent !
Une sorte de dédain se devinait en ses paroles. À son idée, il avait pris deux fois le grand-père en péché de faiblesse : la première fois quand il avait repoussé l’argent d’Honoré, la seconde, quand il s’était emporté contre la fraude de Francille.
Le grand-père n’avait-il pas dit : « Il n’y a que l’honneur ! Quand on a l’honneur, l’argent n’est plus rien. » Bernard comprenait bien ces mots comme il fallait : avoir de l’honneur, cela signifiait évidemment avoir des champs au soleil, de belles terres riches convoitées par les voisins… Mais, tout de même, l’argent n’apparaissait pas au petit-fils comme une chose négligeable en soi. Il jugeait son grand-père déraisonnable, fléchissant, peut-être amolli et usé par l’âge.
Lui, Bernard, il voulait ce qu’il voulait, impitoyablement.