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LA PARCELLE 32

— Tu bois le lait de la chèvre ! Alors tu es le diable : tu fais dix fromages par jour !

— C’est avec du petit-lait, cher ange…, du petit lait bien sale, bien puant… Les gens de la ville, ils n’y connaissent rien !… Il n’y a pas de contrôleurs pour les fromages…

— Tu pourrais en faire cent par semaine ?

— Que je vendrais quarante-cinq sous à la ville, mon cher mignon, quarante-cinq sous dans les bonnes maisons.

Elle fit claquer sa langue.

— Les gros riches, ils aiment les bons fromages blancs à la crème…, les bons La Mothe au lait de chèvre…, goûtez-moi ça, belle madame !… C’est très sain pour les malades ! hi ! hi ! hi !

— Eh bien ! tu iras à la ville…, un jour par semaine si tu veux…, et tu rapporteras de l’eau-de-vie pour toi.

— J’en rapporterai, mon joli gars…, mais faut pas le dire… hi ! hi ! faut pas le dire !

La vieille, dès lors, travailla en grand. Elle vendait des fromages à tous les marchands passagers et il en restait pour porter au marché.

Mazureau devina bien ce nouveau tour et il tempêta encore une fois. Bernard lui tint tête ; il y en avait bien d’autres, après tout, qui utilisaient aussi richement leur petit-lait ! Et n’était-ce pas assez bon pour les fainéants de la ville ? Surtout il fallait acheter les Brûlons…

Francille put se livrer à ses tripotages en toute tranquillité. D’autre cuisine, elle n’en faisait pas. Bernard et son grand-père mangeaient sur le pouce, ce qu’ils attrapaient — parfois du fromage de petit-lait, comme les autres.