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LA PARCELLE 32

Mazureau ne lui pardonnait pas l’affaire du tabac. Il la surveillait. Il tomba sur elle, un matin, un peu avant le passage du laitier, au moment où elle baptisait largement son lait. Il se soulagea à belle voix.

— Que faites-vous là, échappée de galères ?

Elle avait déjà bu ; elle ne se troubla point, mais cligna de l’œil, d’un air malin.

— Je travaille pour mon maître… Eh ! mon ami !… Je suis chambrière à prospérité.

Mazureau appela Bernard.

— Viens la voir, cria-t-il ; elle nous fera aller en prison ! Si le contrôleur était passé ces jours derniers, le déshonneur serait sur nous !

Bernard murmura :

— Elle nous aurait fait gagner trois cents francs par mois…

Mais le grand-père reprit sévèrement :

— Tais-toi ! Je ne mange pas de ce pain-là… Et les miens non plus, n’en mangeront pas de mon vivant… L’argent n’est rien…, il n’y a que l’honneur ! Jette-moi ce lait dans la cour !

Bernard saisit le seau qu’il retira vivement en arrière.

— Par exemple, dit-il ; le jeter !… Elle en fera des fromages.

Cette fois encore, la vieille resta, grâce à Bernard. Ils finirent par s’entendre à merveille tous les deux. Craintive devant Mazureau, la vieille bavardait avec le petit gars. Lui, la tutoyait.

— Comment fais-tu pour vivre sans manger, Francille ?

— Je bois le lait de la chèvre, mon grand mignon !… C’est pour m’adoucir… J’en ai tant vu !