— Il faut la garder quand même ! dit Bernard.
Et Mazureau dit aussi :
— Il faut la garder !
Mais tout à coup, il jura. Il venait de prendre sa tabatière sur la cheminée et la tabatière était vide ! Il avait mis là, précieusement en dépôt, le reste du tabac qui lui venait d’Honoré ; il y puisait chichement deux ou trois fois par jour.
— Elle n’en a pas laissé une miette ! Rien ! Je ne veux plus voir cette femme chez nous.
Bernard le raisonna, mais le grand-père fut long à s’apaiser.
— Elle ne s’est enivrée que trois fois, disait Bernard, et elle n’a rien mangé. La nourrir en huile ou en coton, qu’est-ce que cela nous fait ?… Et puis, elle est sorcière !
Il alla chercher les paniers aux fromages ; ils étaient pleins ! la vieille avait trouvé le moyen de faire vingt-cinq fromages pendant la semaine alors qu’Éveline n’en obtenait que cinq ou six, malaisément.
— Elle a mis du lait de vache ! gronda Mazureau. Ils regardèrent leur carnet de beurrerie ; il portait vingt litres de plus que la semaine précédente.
— Elle est sorcière ! dit Bernard, il faut la garder.
Ils la gardèrent. Bernard prit l’habitude de lui donner tous les jours une raisonnable ration de vin.
— Tenez, disait-il, avec cela, faites-nous beaucoup de fromages.
— Oui, mon joli gars ! Je prends les intérêts de mon maître… J’en ai tant vu !