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LA PARCELLE 32

Mais Bernard lui opposa les nouvelles des journaux, cita le cas d’un paysan de Vendée dont tout l’avoir avait été volé pendant qu’il bêchait son jardin, à vingt mètres de sa maison. Le grand-père fut ébranlé, sans cependant consentir à l’avouer.

Ils rentrèrent plus tôt qu’à l’habitude. Bernard allongeait le pas ; quand il ouvrit l’armoire et regarda au fond du tiroir, son grand-père ne se trouva pas loin de lui.

— Il n’est pas possible de laisser cet argent ici, dit Bernard.

— On pourrait le placer dans une paillasse, conseilla Mazureau.

Belle idée, vraiment ! Autant valait prendre le voleur par la main ! Bernard ne voulut se fier qu’à lui-même. Il chercha longtemps une cachette.

Il finit par creuser à la pioche un grand trou dans un coin de la grange. Il y plaça un pot de grès dans lequel Mazureau déposa ses papiers enveloppés dans un mouchoir ; Bernard mit ensuite ses neuf cents francs, puis il alla fouiller dans le tiroir d’Éveline et rapporta tout l’argent qu’elle avait laissé.

Quand il eut posé le couvercle, il le couvrit de terre qu’il égalisa et battit avec une pelle.

— Maintenant, dit-il, nous pouvons nous en aller en toute tranquillité.

— Et nous l’achèterons ! acheva-t-il fermement.

— Nous l’achèterons ! répéta le grand-père comme un écho.

Un même orgueil leur gonfla la poitrine ; orgueil de solitaires qui ne sollicitent qu’à regret l’aide d’autrui.