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LA PARCELLE 32

rabattit le poignet et la repoussa rudement.

— Méchant galopin ! cria-t-elle, je te ferai emmener par les gendarmes !

— Moi ! moi !

De sa main ouverte, il se frappait sur la poitrine.

— Moi ! Tu me feras emmener par les gendarmes !… Tu crois que j’ai peur ? Mon père, il n’avait pas peur des Boches, et moi aussi, je ne crains personne !… Je suis chez moi, ici… Nom de Diou ! amène-les donc, tes gendarmes !

Mazureau intervint.

— Tais-toi, Bernard ! dit-il.

Mais le petit gars était lancé et ne se contenait plus.

— T’as le droit de parler, toi ? C’est-il toi qui m’as élevé ? À présent que j’ai besoin d’argent pour mes affaires, c’est-il toi qui vas m’en donner ? En as-tu, d’abord de l’argent ?… T’as pas le sou, veux-tu que je te dise… T’as tout mangé…, ta paye, ton allocation, ta rente, tout !… Et la mienne, ma rente, qu’en as-tu fait ? C’est-il pour moi que tu l’as employée ?

Il continua, à tue-tête :

— Je suis orphelin de guerre…, et puis pupille de l’État… Faut pas essayer de me faire peur, dis donc, avec tes gendarmes !… C’est pas tout ça ! T’as touché pour moi depuis quatre ans ; tu me dois de l’argent !… et tu me le donneras ! Tu me le donneras !… Je travaille, moi, et encore je ne touche rien… Tu crois qu’ils vont te payer toujours comme ça à ne rien faire et à gourmandiser ?… Je veux mon droit ou bien je te fais enlever ta rente. Je n’en ai pas pour longtemps à écrire au Gouvernement.