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LA PARCELLE 32

Mais l’agitation de Bernard ne tomba pas facilement. Ils discutèrent longtemps.

Ils étaient tous les deux de ceux qui ne cèdent jamais, qui ne plient jamais, qui luttent jusqu’au bout, pied à pied, sans toujours bien distinguer le possible. L’âpre volonté de son petit-fils rasséréna Mazureau ; il finit pas se persuader lui-même qu’il arriverait au but malgré tout.

— Bernard ! Nous l’achèterons !

Bernard réfléchissait.

— Quand nous l’aurons achetée, faudra-t-il que je partage encore avec tante Éveline ?

— Ne parle plus de tante Éveline ! dit Mazureau.

— Elle ne reviendra pas ?

— Non !

Bernard montra la table encore servie.

— Mais qui va donc nous faire la soupe à présent ?

— Écris à ta mère que nous avons besoin d’elle… Qu’elle vienne tout de suite.

Bernard secoua la tête.

— Elle ne voudra pas, dit-il !

Il écrivit cependant le soir même. Il écrivit nettement, selon sa manière qui était arrogante et sans détours. Il ne priait pas, il ordonnait et il faisait valoir ses droits d’orphelin de guerre.

La bru vint trois jours plus tard. Elle occupait à Nantes une place de vendeuse dans une grosse boucherie. Elle devait prendre huit jours de repos vers la fin d’août ; la lettre de Bernard lui fournit l’occasion de demander son congé un peu plus tôt.

Elle partit donc de Nantes un matin, passa toute la journée dans un wagon à moitié démoli