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LA PARCELLE 32

L’autre répondit sans bouger :

— Rien !

— Voyons, il faut… Je ne sais pas, moi ! Il faut tout préparer…, il faut que tu saches ce que tu feras, où tu iras… Tu es chez ton père…, il faut parler à ton père… As-tu peur de lui parler ?

Éveline secoua la tête, lentement.

— Je ne sais pas ! Toute chose m’est égale à présent.

Elle parlait d’une voix basse et grelottante.

— Je voudrais m’en aller, marcher les yeux fermés et ne plus jamais retrouver mon chemin… Marie, je ne veux pas rentrer chez nous… Je veux m’en aller et que chacun oublie mon nom et perde mon souvenir… Je voudrais être morte !

Du coup, Marie se rapprocha d’elle.

— Tais-toi ! dit-elle, tu n’as pas le droit de parler ainsi ! Tu n’as pas le droit ! Tu ne m’as jamais entendue te faire la morale et encore aujourd’hui, je ne te dis rien… Mais ne parle pas de la sorte si tu tiens à mon amitié ! Il n’y a pas que toi, Éveline ! Il faut que tu te redresses, il faut que tu sois forte pour préparer la vie du petit innocent qui viendra…

Elle était d’une famille où la religion manquait. Elle leva la main, pourtant, en un geste de croyante et, transfigurée par l’émotion, de son index tendu, elle montra le ciel.

— Que dirait Maurice, s’il pouvait te voir ainsi, faible et sans courage ? Il est parti, lui… C’est à toi de porter son fardeau en plus du tien.

Elle ajouta d’une voix presque timide :

— Je t’aiderai si tu veux ; ce sera mon bonheur…