Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
LA PARCELLE 32

elles furent installées, Marie prit dans son panier une longue tartine qu’elle rompit en deux morceaux.

— Mange un peu, dit-elle à Éveline, tu n’as vraiment pas grosse mine !

Éveline mordit à sa tartine une toute petite bouchée qu’elle eut bien de la peine à avaler. Elle y revint pourtant, fit encore semblant de grignoter quelques miettes. Une branche de prunellier avançait au-dessus de sa tête ; elle leva la main, cueillit des prunelles et, furtivement, se mit à les croquer.

Marie, qui l’observait à la dérobée, comprit soudain.

— Que fais-tu donc ? demanda-t-elle ; pourquoi ne manges-tu pas ?

Éveline tourna vers sa cousine ses pauvres yeux désespérés.

Alors Marie la prit aux épaules, étroitement. Elle ne lui demanda rien de plus, mais son regard parlait si clairement qu’Éveline répondit tout bas :

— Oui !

Marie lui mit un baiser au front et lentement s’éloigna un peu. Entre elles, le silence tomba.

Éveline se tenait droite, les mains aux genoux, immobile, les yeux vagues et secs. Marie remettait les tartines dans le panier ; ses mains s’affairaient, pliaient la serviette, secouaient le tablier… Quand tout fut en ordre et bien net, elle détourna la tête et se moucha deux ou trois fois.

— Cela, c’est le reste à présent, murmura-t-elle. Que faire, mon Dieu ? Que faire ?

Elle répéta plus fort :

— Que comptes-tu faire, Éveline ?