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LA PARCELLE 32

Le reste de la journée, elle était seule avec son angoisse. Marie ne venait plus jamais à la Marnière et, de son côté, Éveline n’osait plus sortir de chez elle. Elle passait des soirées entières en inaction ; quand elle allait garder ses bêtes elle emportait bien un ouvrage de couture, mais c’était toujours le même et il n’avançait point.

Honoré avait raison de dire qu’elle ne dormait pas du tout. Quand, parfois, vers le matin, elle sentait le sommeil la gagner, l’idée lui revenait brusquement et elle se redressait d’une secousse, haletante, la bouche amère.

C’était véritablement, pour son cœur faible, trop de malheurs à la fois !

Elle voyait approcher l’heure où elle allait défaillir. Déjà, devant Honoré, qui n’était pourtant pas bien pressant, elle s’était laissé aller à confesser sa lassitude et son dégoût mortel. S’il eût insisté, peut-être l’aveu lui fût-il monté aux lèvres.

Elle sentait qu’elle parlerait à la première semonce de son père. Elle avait tremblé d’abord en songeant à l’accueil qui lui serait fait ; mais peu à peu sa frayeur s’en allait. Il arriverait ce qui arriverait… Résignée à l’inévitable, elle s’abandonnait, trop endolorie de corps et d’âme pour songer à faire front encore quelque temps.

Pour toutes les petites choses du ménage, son père la laissait absolument maîtresse on la maison. Pourtant, il lui dit un soir, suivant les conseils d’Honoré :

— Tu devrais avancer demain jusqu’au marché de Quérelles… Tu as ici quatre grands coqs que je suis bien fatigué de voir… Quand les gerbes