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LA PARCELLE 32

— Bien dit, mon petit gars !

— Je veux rester chez nous ; j’aime la terre, moi ; je veux des champs… Plus tard, j’achèterai de la terre au lieu d’en vendre.

— Bien dit, Mazureau !

Le grand-père regarda avec une orgueilleuse tendresse cet enfant qu’il connaissait à peine, trois ans plus tôt. Sa bru le lui avait confié au début de la guerre, quand elle était entrée comme ouvrière dans une usine de Nantes. Et, tout de suite, le petit citadin anémique s’était épanoui. Un mois après son arrivée, le fouet en main, des socques boueuses aux pieds, il poussait les bêtes avec le dandinement d’un vieux paysan.

Il avait retrouvé, d’instinct, les gestes séculaires de sa race et, en son âme d’enfant, quelque chose d’âpre avait surgi qui était le tenace amour de la terre, de la terre ingrate, buveuse de sueur, buveuse de sang, de la terre maigre où l’outil s’émousse, de l’argile qui tire les pieds, de la terre dure aux hommes mais où passe le vent des libres espaces.

Oui, celui-là était un vrai Mazureau, un gars solide, rusé, actif, un peu taciturne. Il répondait mal aux gâteries de sa tante Éveline, si douce et si maternelle. On ne le voyait point jouer avec les jeunes garçons de son âge ; il préférait à toute autre compagnie celle de son grand-père et celle de son chien Flambeau, une grande bête hargneuse, aux yeux féroces. Quand il avait appris la mort de son père, il avait pleuré, mais raisonnablement.

— Bien dit, Mazureau !

Le grand-père continua avec un sourire :

— As-tu entendu ce qu’il disait, le notaire ?

— Le notaire ? Le notaire, il est fou !