entre ses paumes comme on écrase un épi pour en faire sortir le grain ; il laissait ensuite couler la poussière entre ses doigts.
— Elle est comme de la soie, disait-il à Honoré.
L’autre renchérissait. Tous les deux s’en revenaient côte à côte au village, posément, sans hâte. De temps en temps, ils s’arrêtaient, les mains au dos, pour marquer les points importants de leurs discours.
Honoré, par un cousin buraliste qui habitait la ville, avait réussi à se munir de tabac en abondance. Il rationnait l’oncle Jules, mais, pour Mazureau, la tabatière était toujours pleine. Et le bonhomme prisait à plein nez, les yeux brillants d’orgueil et de contentement.
Passant en vue de la Baillargère des Sicot, Mazureau riait hautement. Un jour il dit à Honoré :
— Es-tu tombé d’accord avec celui-ci pour les nouveaux prix ?
Le gars hésita un petit instant.
— Je ne lui ai pas encore dit mon juste mot… Je l’ai seulement prévenu, lui comme les autres, que j’avais l’intention d’augmenter mes fermages.
— Augmente ! appuya Mazureau ; c’est la justice ! Augmente-les tous ! Ils chantent fort, à mon gré, tous ces gars qui cultivent le bien des autres… Lui, il prendrait le pas devant toi ! Il fallait l’entendre l’autre jour sur le foirail… « J’achèterai ceci, j’achèterai cela ! » Un galvaudeux qui n’a seulement pas vingt boisselées à lui, qui n’a ni pré naturel, ni vigne, ni cimetière, ni rien…
Humant une prise, il laissa tomber avec dédain :
— Un fermier !