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LA PARCELLE 32

Mazureau tâchait à lui donner la réplique ; souvent, le vieux clignait de l’œil.

— Pour t’en conter, à toi, il faut être matinier !

Lorsqu’ils étaient ensemble à travailler dans la plaine, c’était Mazureau qui s’animait.

Devant la parcelle convoitée, il tirait ses plans.

Il y avait trois terrains dans cette parcelle : un champ de betteraves bordant la route, puis une vieille luzerne envahie par la mousse, enfin une jachère cornière dont la pointe venait toucher le cimetière de famille. Et Mazureau disait :

— C’est une tristesse de voir ça cultivé par des gens qui n’y entendent rien ! Si c’était à moi, je vous ferais une grande versaine ; avec ma pièce d’avoine qui est là, j’aurais, d’un seul tenant, le plus beau champ qui se puisse voir en ces côtés. Autrefois, du temps de mes anciens, c’était rassemblé comme je te le dis, tout rassemblé !

— Vous le rassemblerez encore, Mazureau !

— Moi ? Oui, si j’arrive à ce que je veux, je trancherai du haut en bas…, je trancherai comme ça, vois-tu ?

De sa main, toujours un peu crispée, il montrait les champs étendus à ses pieds. Et son geste, rudement, poussait, poussait les sillons futurs, jusqu’à la route et même plus loin, à travers la grande plaine aérée, jusqu’à la ligne ronde de l’horizon bocager.

Souvent, maintenant, il traversait les terres du voisin, arrachant au passage une touffe de plantain, égratignant de la pointe de son sabot une tache de mousse. Dans la parcelle labourée, il brisait les mottes à coups de talon ; parfois il se baissait et, prenant une pincée de terre, il l’écrasait